Un premier état des connaissances sur l’antibiorésistance et les antibiotiques dans l’environnement
Si l’antibiorésistance est un phénomène bien étudié chez l’Homme et l’animal, sa diffusion dans l’environnement est moins connue. Pourtant, certains gènes de résistance qui posent actuellement problème en médecine proviennent de bactéries de l’environnement. L’Anses a été saisie pour réaliser une expertise sur l’état et les causes possibles de la contamination des milieux aquatiques et terrestres en France par les antibiotiques, les bactéries résistantes pathogènes pour l’Homme et les gènes de résistance aux antibiotiques. Les mécanismes qui favorisent l’émergence et le maintien de l’antibiorésistance dans l’environnement ont également été étudiés.
Il s’agit d’un des premiers états des connaissances sur cette problématique. Pour cela, l’Agence s’est appuyée sur la littérature scientifique et sur les résultats des recherches menées en France sur la contamination des milieux, notamment celles financées par l’Anses dans le cadre du Programme national de recherche Environnement-Santé-Travail.
La contamination des milieux par les antibiotiques est liée aux activités humaines
Quel que soit le milieu, les concentrations en antibiotiques sont faibles en France. Les antibiotiques les plus fréquemment retrouvés dans l’environnement sont ceux qui se dégradent le moins, et pas forcément les plus consommés. Les principales sources de contamination de l’environnement par des antibiotiques sont liées aux activités humaines : rejets d’eaux usées traitées et épandages de boues des stations d’épuration et d’effluents d’élevage. Ainsi, les antibiotiques retrouvés dans l’eau sont en plus forte concentration en aval des rejets de stations d’épuration qu’en amont. Pour ce qui est de la contamination des sols, les données sont moins nombreuses et ne concernent que des zones d’épandage. Les antibiotiques et les concentrations retrouvés dépendent du type d’épandage.
Principales voies de contamination des sols et des eaux par les antibiotiques, les bactéries résistantes aux antibiotiques et les gènes de résistance.
Des bactéries résistantes qui disparaissent plus rapidement que les gènes
Les antibiotiques, les bactéries résistantes et les gènes de résistance ont les mêmes sources de contamination. Les concentrations en bactéries résistantes et en gènes de résistance diminuent avec l’éloignement de la source de contamination, que ce soit un rejet d’eaux usées traitées ou un site d’épandage. Bien que les traitements des eaux usées et des produits d’épandage permettent de diminuer les quantités de bactéries résistantes et de gènes de résistance rejetés dans l’environnement, ils ne sont pas conçus pour permettre leur élimination complète.
Les bactéries résistantes aux antibiotiques étudiées sont principalement d’origine fécale. Elles survivent difficilement dans l’environnement et on les retrouve principalement dans les sites fortement contaminés par les activités humaines. Les gènes de résistance peuvent persister plus longtemps, soit en dehors des cellules, soit hébergés par d’autres bactéries, non prises en compte dans les études.
Étude des mécanismes pouvant favoriser la survie des bactéries résistantes
Les travaux de l’Anses se sont également penchés sur les facteurs de l’environnement qui pourraient favoriser la sélection de bactéries résistantes aux antibiotiques et la transmission de gènes de résistance. Peu de données sont disponibles sur ce sujet. De manière générale, il semble que les quantités d’antibiotiques retrouvées dans l’environnement en France sont trop faibles pour favoriser la survie des bactéries résistantes et la persistance des gènes de résistance. De plus, la présence d’éléments traces métalliques ou de biocides, la diversité des communautés bactériennes et l’hétérogénéité des milieux pourraient influencer leur devenir dans l’environnement.
Améliorer le suivi de la contamination environnementale et poursuivre l’acquisition de connaissance
Les résultats obtenus sont susceptibles d’évoluer avec le changement climatique et l’évolution des pratiques liées à l’économie circulaire de l’eau, telles la réutilisation des eaux usées traitées ou la recharge artificielle de nappes d’eau souterraine. Ces phénomènes pourraient en effet modifier les voies d’introduction et de dissémination des antibiotiques et des bactéries résistantes dans l’environnement et avoir un impact sur la capacité des milieux à dissiper ces contaminations anthropiques.
Afin d’améliorer la comparaison des données, l’Anses recommande de suivre dans toutes les études sur l’antibiorésistance dans l’environnement un ensemble d’indicateurs comprenant des antibiotiques, une bactérie résistante et un gène de résistance. L’Agence préconise que les études qui seront engagées prennent en compte le devenir dans le temps et l’espace de ces contaminations. Enfin, l’Anses émet des recommandations pour consolider et approfondir les connaissances actuelles, que ce soit sur la contamination de l’environnement par les antibiotiques et les bactéries et gènes de résistance, sur les facteurs favorisant leur dissémination ou sur l’évaluation des capacités des écosystèmes à dissiper les contaminations.