Les plantes invasives, un risque pour l’environnement et la santé
Certaines plantes, dites invasives, peuvent avoir un impact néfaste sur l’environnement, la biodiversité et représentent potentiellement des risques pour la santé humaine. Le laboratoire de la Santé des végétaux de l’Anses mène des travaux d’expertise et de recherche pour évaluer les risques liés à ces plantes.
Plantes invasives : de quoi parle-t-on ?
Parmi celles qui nous entourent, certaines plantes sauvages sont naturellement présentes sur notre territoire, sans y avoir été amenées par l'Homme. Ces plantes sont appelées plantes indigènes. D’autres plantes ont été introduites volontairement ou accidentellement par les humains en dehors de leur milieu naturel. Ce sont les plantes dites exogènes ou exotiques.
L’introduction accidentelle d’espèces se produit par exemple lorsque des graines d’espèces exotiques contaminent des marchandises importées. C’est notamment le cas des graines de « mauvaises herbes » se trouvant parmi les semences d’espèces cultivées : blé, maïs, soja.
Les introductions volontaires concernent de nombreuses plantes cultivées à la base de notre alimentation comme la tomate, la pomme de terre, le maïs… Mais aussi de nombreuses plantes ornementales telles que le bougainvillier, la glycine de Chine, le mimosa et bien d’autres.
L’immense majorité des espèces introduites, en particulier celles introduites volontairement, sont bénéfiques pour l’humain. Mais une petite fraction est capable de s’échapper des lieux où elles sont cultivées (jardins, parcs, …) et peuvent se reproduire de façon autonome dans d’autres lieux. On dit alors qu’elles sont naturalisées.
Quel constat en France et en Europe ?
Aujourd’hui en France, sur un peu plus de 6000 espèces végétales, on compte environ 5 300 espèces indigènes et un peu plus de 700 espèces exotiques naturalisées. Parmi ces 700 espèces naturalisées,un peu plus d'une centaine d’espèces sont considérées comme invasives en France hexagonale. Cela signifie que ces espèces sont dans une dynamique d’expansion rapide et forment localement des populations très denses qui ont différents types d’impacts : environnementaux, économiques et/ou sanitaires.
A travers la mondialisation des échanges commerciaux, il existe aujourd’hui une augmentation des risques d’introduction de plantes potentiellement invasives lors de transports de marchandises. Avec le changement climatique, les conditions dans certaines régions en Europe – et en particulier en Méditerranée – deviennent favorables à l’installation de plantes d’origine tropicale comme la laitue d’eau ou la jacinthe d’eau.
Les risques et impact sur l’environnement et la santé
Les plantes invasives peuvent avoir un impact néfaste sur l’environnement et la biodiversité en colonisant et en envahissant des écosystèmes naturels sensibles. Elles peuvent également coloniser des cultures et entraîner des pertes de rendement. Ces plantes représentent potentiellement des risques pour la santé humaine.
Comment les plantes invasives impactent les cultures? Eclairage de Guillaume Fried, chargé de projets à l'Anses
Il existe plusieurs mécanismes d’impacts sur les végétaux sauvages et l’environnement. Les plantes invasives peuvent exercer une compétition accrue pour l’espace et les ressources (lumière, eau, nutriments) qui peut conduire à l’exclusion locale d’espèces végétales indigènes et à une réduction en cascade de la biodiversité des habitats envahis. Lorsqu’une plante invasive devient dominante dans un écosystème elle peut même en modifier les caractéristiques physiques (architecture, lumière) et/ou chimiques (cycle des nutriments) et in fine son fonctionnement. On parle alors d’espèces invasives transformatrices : c’est le cas du robinier faux-acacia qui modifie le cycle de l’azote et favorise l’installation d’espèces nitrophiles en sous-bois ou de la jussie qui conduit à l’anoxie de plans d’eau. Plus rarement, certaines plantes invasives s’hybrident avec des plantes indigènes du même genre botanique ce qui peut entraîner des conséquences délétères pour ces dernières.
Lorsqu’elles envahissent les champs, le même mécanisme de compétition peut s’exercer vis-à-vis des plantes cultivées et entraîner des pertes de rendements et des surcoûts de gestion pour les agriculteurs et les agricultrices. Les impacts sur les plantes cultivées ou sur la santé humaine ne sont cependant pas le propre des espèces exogènes puisque la plupart des adventices des cultures sont indigènes (chardon des champs, liseron des champs, etc.) et il existe de nombreuses plantes indigènes à risque pour la santé humaine (toxique, allergène : aconit napel, belladone, colchiques, etc.). Dans le cas des plantes invasives, c’est leur dynamique d’expansion rapide et leur forte densité qui, couplée à la méconnaissance de la plante lorsqu’elle arrive sur un nouveau territoire, amplifient les risques d’une exposition du grand public.
Quelques exemples de plantes invasives
Les Ambroisies - notamment l’Ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) ou l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) - sont des espèces très envahissantes et émettent un pollen hautement allergisant pour l'Homme. Au moins 4% des surfaces agricoles françaises sont infestées par l’ambroisie à feuilles d’armoise.
Le Houblon du Japon (Humulus scandens) présente les mêmes risques allergisants nuisibles pour notre santé que les Ambroisies. Il s’agit d’une liane rampante se propageant sur les berges de rivières qui diminue fortement la biodiversité en réduisant de 95 % la diversité végétale, et modifie la structure de l’écosystème.
La Berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum) est une plante invasive qui, a un impact sur la végétation sauvage en réduisant de 50% la diversité végétale dans les milieux envahis. Elle peut également provoquer de graves brûlures de la peau par sa sève. Ces brûlures sont liées à la présence de molécules photosensibles, les furanocoumarines. Le nombre de sites envahis en France s’est démultiplié, notamment le long des axes routiers et le long des rivières.
Les actions de l’Anses pour lutter contre ces risques
Laboratoire national de référence
Le Laboratoire de la Santé des Végétaux est Laboratoire national de référence des plantes invasives. L’Unité d’entomologie et botanique mène des travaux d’expertise et de recherche pour évaluer les risques liés à ces plantes (ambroisie à feuilles d’armoise, ambroisie trifide, ambroisie à épis lisses, le houblon du japon, séneçon en arbre…).
Veille et alerte
Le Laboratoire de la Santé des Végétaux de l’Anses veille et alerte sur la détection de nouvelles plantes introduites, potentiellement invasives. Il développe des méthodes de hiérarchisation pour identifier parmi ces espèces nouvellement introduites, celles qui peuvent être considérées comme dangereuses. Il publie régulièrement des fiches de reconnaissance pour faciliter la détection précoce de ces espèces sur le terrain.
Analyses de risque phytosanitaire
Le laboratoire réalise des analyses de risque phytosanitaire qui visent à évaluer pour une espèce donnée, quelle est sa probabilité d’introduction, d’établissement, d’expansion et quelle est son impact sur les autres végétaux, cultivés ou sauvages.
Le Laboratoire est aussi sollicité par l’Unité Evaluation des Risques Biologiques pour participer à des analyses de risque phytosanitaire lorsque l’Agence est saisie sur les risques associés aux plantes invasives.