Maladies professionnelles : en quoi consiste l'expertise scientifique?
Lorsqu’un travailleur exposé à des nuisances dans le cadre de son activité professionnelle, comme par exemple des substances toxiques, contracte une maladie, celle-ci est susceptible d’être reconnue comme une maladie professionnelle et indemnisée. Pour améliorer l’accès à cette reconnaissance, le gouvernement a décidé de mettre en place une expertise scientifique collective et indépendante. Cette phase d’expertise préalable a été confiée à l’Anses. Comment sont reconnues les maladies professionnelles en France ? En quoi consiste l’expertise scientifique menée par l’Anses ? Explications.
Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?
Un salarié exposé ou ayant été exposé à des nuisances dans le cadre de son travail peut contracter une maladie. Celle-ci peut être reconnue comme une maladie professionnelle et indemnisée à la condition d’être identifiée comme telle par un régime de couverture sociale. Contrairement à l’accident de travail, il n’existe pas de définition réglementaire de la maladie professionnelle.
Les nuisances auxquelles sont exposés les salariés sont multiples et diverses : substances chimiques toxiques, moisissures, bactéries, fortes chaleurs, bruit intense, charges lourdes, travail de nuit ou en horaires décalés, etc.
Comment sont reconnues les maladies professionnelles en France ?
Les tableaux de maladies professionnelles
En France, la reconnaissance des maladies professionnelles repose principalement sur un système de tableaux créé en 1919 (loi du 25 octobre 1919, extension de la loi de 1898 sur les accidents du travail).
Ces tableaux précisent pour chaque maladie les conditions de reconnaissance :
- la description de la maladie, c’est-à-dire les symptômes ou les lésions occasionnées par l'exercice du métier : pathologie cardiaque vasculaire, pathologie osseuse, pathologie cutanée et muqueuse... ;
- le délai de prise en charge : il s'agit de la durée maximale qui peut s’écouler entre l’arrêt de l’exposition et la première constatation médicale de la maladie. Dans certains cas, une durée d’exposition minimale peut être mentionnée ;
- les travaux ou les professions susceptibles de provoquer l’affection.
Si un travailleur remplit l’ensemble de ces conditions, il peut bénéficier d’une reconnaissance dite « automatique » et n’a pas à apporter la preuve du lien entre sa maladie et son activité : il bénéficie de la présomption d’origine professionnelle.
Il existe actuellement 121 tableaux pour le régime général de la sécurité sociale et 66 tableaux pour le régime agricole. Ils sont organisés selon la maladie ou l'agent pathogène en cause, par exemple, les maladies liées au plomb, les affections liées aux poussières d'amiante, atteinte auditive provoquée par les bruits, etc.
Les acteurs responsables des tableaux de maladies professionnelles
Les tableaux de maladies professionnelles sont créés ou révisés par décret en Conseil d’Etat après consultation du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) pour les tableaux du régime général et de la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP) pour ceux du régime agricole.
Au sein du COCT, la commission spécialisée n° 4 (CS4) est compétente sur les questions relatives à la connaissance de l’origine professionnelle des maladies et à l’articulation entre la réparation et la prévention des maladies professionnelles. En plus des différents départements ministériels concernés, la CS4 regroupe en particulier différents partenaires sociaux, représentant les salariés d’une part et les employeurs d’autre part, mais également associations de victimes, caisse d’assurance maladie, organismes de prévention et personnalités qualifiées.
Pour le régime agricole, la commission supérieure des maladies professionnelles agricoles (COSMAP) assure ces missions. Comme pour le CS4, la COSMAP est composée des différentes parties prenantes : exploitants, employeurs, syndicats de salariés, associations de victimes, MSA, organismes de prévention, personnalités qualifiées.
Les comités régionaux de reconnaissance en maladie professionnelle
Dans les cas où il n’existe pas de tableau pour une maladie, ou lorsque la personne ne remplit pas l’ensemble des conditions du tableau existant, la maladie peut quand même être reconnue en tant que maladie d'origine professionnelle après l’avis d’un comité régional de reconnaissance en maladie professionnelle (Article L461-1 du Code de la Sécurité Sociale(CSS)). Deux situations sont possibles dans ce système complémentaire :
- au titre de l’alinéa 6 du CSS : si la maladie est désignée dans un tableau de maladie professionnelle mais qu’une ou plusieurs conditions du tableau ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans le tableau peut tout de même être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel du travailleur ;
- au titre de l’alinéa 7 du CSS : si la maladie n’est pas désignée dans un tableau de maladie professionnelle, elle peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel du travailleur concerné et qu'elle entraîne le décès de celui-ci ou une incapacité permanente d’au moins 25%;
Le CRRMP est alors chargé de réaliser une expertise individuelle et de rendre un avis motivé sur le lien entre le travail habituel de la victime et la maladie. Il est composé de 3 médecins : un médecin conseil régional pour la Sécurité sociale, un médecin inspecteur régional du travail, un professeur des Universités - praticien hospitalier ou praticien hospitalier particulièrement qualifié en matière de pathologie professionnelle.
Le saviez-vous ?
C’est à la victime ou ses ayants droit de déclarer la maladie professionnelle. Le délai de prescription est de deux ans à compter de la date à laquelle il est informé, par un certificat médical, du lien possible entre sa maladie et son activité professionnelle.
En quoi consistent les travaux d’expertise de l’Anses ?
"Contribuer à améliorer le dispositif de prévention, de reconnaissance et de réparation des maladies profesionnelles en France."
Trois questions à Henri Bastos, directeur scientifique santé travail à l'Anses.
Face au constat de sous-reconnaissance des maladies professionnelles, l’État et les partenaires sociaux ont souhaité revoir les modalités de la phase d’expertise permettant, entre autres, d’établir le lien de causalité entre l’exposition professionnelle à une nuisance et une ou des maladies. Cette réorganisation fait partie des mesures identifiées pour restaurer la capacité des pouvoirs publics à réviser la liste des tableaux de maladies professionnelles en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des pratiques professionnelles. Elle prévoit le recours à une expertise collective scientifique, pluridisciplinaire et indépendante en la confiant notamment à l’Anses.
Avec l’aide d’un groupe de travail pluridisciplinaire constitué après appel à candidatures public, l’Agence a développé une méthodologie et un cadre qui permettront de mettre en évidence et de caractériser les liens entre des expositions professionnelles ou des conditions de travail et des problèmes de santé. Elle vise principalement à éclairer différents acteurs :
- l’État et les différents ministères responsables de la création de tableaux de maladies professionnelles dans le cadre de la réglementation actuelle ;
- les commissions consultées par l’État préalablement à toute création ou modification de tableau de maladie professionnelle : conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP) ;
- les institutions de sécurité sociale chargées de l’application de la réglementation relative à la réparation des maladies professionnelles et des recommandations fournies aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles.