Les bourdons impactés par l’usage de pesticides
Une étude, à laquelle l’Anses a contribué, révèle des effets indésirables sur les populations de bourdons liés à l’emploi des produits phytopharmaceutiques. En effet, sur les sites où la plus grande quantité de résidus de produits a été mesurée, les colonies ont moins de descendants et un poids réduit. Les résultats de cette étude ont été publiés le 29 novembre 2023 dans la revue Nature.
Dans quel cadre l’étude a-t-elle été menée ?
Ce travail de recherche a été conduit dans le cadre du projet Poshbee qui, de 2018 à 2023, a réuni des partenaires de 14 pays européens, dont l’Anses. L’objectif était de mieux documenter l’exposition des pollinisateurs aux produits chimiques et les effets sur leur santé. Trois espèces de pollinisateurs ont été étudiées : l’abeille mellifère, le bourdon terrestre et l’osmie, une abeille sauvage. Le but était d’inclure dans les recherches des espèces pollinisatrices qui ont des caractéristiques écologiques et biologiques distinctes. Les bourdons et les osmies ont été choisis en plus de l’abeille mellifère car ils ne pollinisent pas les mêmes plantes. Les recherches sur ces espèces sont de plus facilitées par le fait qu’elles peuvent être multipliées en captivité avant d’être relâchées sur les sites d’étude.
Quelles sont les conclusions principales de l’étude sur les bourdons ?
Les résultats publiés dans Nature le 29 novembre portaient spécifiquement sur les conséquences de l’usage des pesticides sur les bourdons. Ils résultent de mesures réalisées sur 106 sites dans 8 pays différents. Pour chaque site, les produits phytopharmaceutiques contenus dans le pollen ramené au nid par les bourdons ont été identifiés et quantifiés. Parmi ces produits, ceux présentant le plus de risques pour ces insectes sont des insecticides. Les colonies implantées dans les sites les moins exposés aux pesticides produisent 50 % de descendants de plus que les autres.
Par ailleurs, 60 % des colonies de bourdons étudiées ont perdu plus de 10 % de leur poids. Or, la valeur de 10 % de perte avait été proposée comme seuil par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) dans le cadre de la révision du document guide européen pour la protection des pollinisateurs exposés aux produits phytopharmaceutiques. Elle considérait en effet que les colonies de bourdons ne devaient pas perdre plus de 10 % de leur poids pour que leur développement ne soit pas en danger.
Quel a été le rôle de l’Anses dans ce projet de recherche ?
Pour l’ensemble des études sur les pollinisateurs menées dans le cadre de Poshbee, l’Anses a coordonné la mesure de l'exposition aux stress chimiques, nutritifs et provenant des pathogènes. Elle a participé à l’élaboration des protocoles communs à tous les participants, depuis le recueil d’échantillons jusqu’à leur envoi aux laboratoires d’analyse, en passant par leur stockage. Concernant les produits phytosanitaires, l’Agence a déterminé la liste des molécules à mesurer commune aux quatre laboratoires chargés de l’analyse des échantillons et a développé une base de données pour compiler les résultats de tous les participants. Enfin, elle a participé à l’analyse statistique des résultats.
Quelle est la suite prévue côté recherche ?
D’autres résultats issus du projet Poshbee vont être publiés prochainement. Ce projet a donné des résultats robustes grâce au déploiement des travaux l’échelle européenne. Le laboratoire de Sophia-Antipolis de l’Anses, en collaboration avec celui de Ploufragan-Plouzané-Niort, va continuer à analyser ces résultats pour mieux comprendre les facteurs expliquant l’affaiblissement des colonies d’abeilles et comment ils interagissent entre eux, qu’il s’agisse de l’exposition aux pesticides, de la contamination par des agents infectieux ou parasitaires, de facteurs nutritionnels ou d’autres facteurs environnementaux.
Comment ces résultats contribueront à mieux évaluer les produits phytopharmaceutiques et surveiller leurs effets ?
Ces résultats de recherche sont utiles pour améliorer l’évaluation règlementaire des produits phytopharmaceutiques et le suivi des effets indésirables de ceux qui sont mis sur le marché. Les publications issues des travaux Poshbee, tel l’article qui vient d’être publié, seront analysées par la phytopharmacovigilance de l’Anses, pour statuer si les effets observés constituent des alertes nécessitant des actions, par exemple la mise en place d’investigations plus approfondies ou une surveillance renforcée. S’agissant des méthodologies d’évaluation des produits phytopharmaceutiques, l’étude sur les bourdons pourra aussi alimenter les réflexions sur les méthodologies d’évaluation des produits phytopharmaceutiques et leur lien avec la santé des insectes pollinisateurs.