Fièvre hémorragique de Crimée-Congo : une émergence en France est possible
La tique Hyalomma, présente dans le Sud de la France depuis plusieurs années, pourrait étendre son implantation dans l’hexagone à la faveur du dérèglement climatique. Cette tique peut notamment transmettre la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC). Aucun cas autochtone n’a été détecté chez l’humain en France, mais des cas sont enregistrés chaque année en Espagne. Dans son expertise scientifique, l’Anses confirme le risque d’émergence et appelle à mettre en place une surveillance de ces tiques à l’échelle nationale.
Une tique porteuse du virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo
Originaire d’Afrique et d’Asie et introduite principalement par les oiseaux migrateurs en provenance d’Afrique, la tique Hyalomma est présente depuis plusieurs décennies en Corse et depuis 2015 sur le littoral méditerranéen. Trois espèces de tiques du genre Hyalomma sont présentes en France.
Cette tique joue le rôle de vecteur pour de nombreux agents pathogènes. Elle transmet notamment le parasite responsable de la piroplasmose équine et le virus de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo (FHCC). Chez l’humain, la fièvre de Crimée-Congo se limite généralement à un syndrome grippal avec troubles digestifs. Dans certains cas, elle peut néanmoins s’aggraver et se traduire par un syndrome hémorragique, dont le taux de létalité atteint 30 % dans certains pays.
Une dissémination de la tique favorisée par les changements climatiques
Bien que la tique Hyalomma soit présente dans certaines régions de France métropolitaine, aucun cas humain de contamination par le virus de la FHCC n’a encore été observé. En revanche, une dizaine de cas humains autochtones de FHCC ont été rapportés en Espagne depuis 2013, dont certains ont provoqué le décès du malade. Par ailleurs, en France, des anticorps spécifiques au virus de la FHCC ont été retrouvés chez des animaux domestiques et sauvages, laissant penser que ces animaux ont été exposés sur notre territoire.
Si aucun cas humain n’a été détecté pour l’instant, le risque d’apparition de cas de FHCC en France est possible. Ce risque est d’autant plus probable que l’extension géographique de la zone d’implantation des tiques devrait être favorisée par les changements climatiques en cours. Les tiques Hyalomma aiment en effet les climats secs et les périodes chaudes. C’est pourquoi en France on les retrouve préférentiellement dans la garrigue ou le maquis du pourtour méditerranéen, contrairement aux autres tiques qui sont plutôt forestières.
Organiser la surveillance des tiques à l’échelle nationale
L’Anses appelle à la mise en place dans le cadre des actions de lutte anti-vectorielle (LAV) d’une surveillance des tiques du genre Hyalomma à l’échelle nationale, en priorisant :
- les zones géographiques identifiées comme les plus à risque,
- le développement d’outils permettant de détecter précocement la présence de tiques Hyalomma et la circulation des agents pathogènes qu’elles transmettent, notamment du virus de la FHCC et de parasites comme Theileria.
L’objectif de cette surveillance est de pouvoir adopter des mesures de prévention et de gestion des risques en fonction de l’évolution de la situation, et notamment la sensibilisation des professionnels de santé pour l’identification des cas humains autochtones.
« Contrairement à ce qui existe pour les moustiques, aucun dispositif de surveillance national n’est organisé pour les tiques alors qu’elles transmettent des maladies graves comme la FHCC mais aussi la maladie de Lyme ou l’encéphalite à tiques. Pour se préparer au mieux à l’émergence potentielle du virus de la FHCC sur notre territoire, il est essentiel de renforcer la surveillance des tiques en France mais également de celles qui arriveraient en provenance de pays où le virus circule actuellement. Ces introductions peuvent se faire lorsque la tique Hyalomma est fixée sur un oiseau migrateur, ou sur un cheval ou bovin importé par exemple » poursuit Elsa Quillery.
Une telle surveillance gagnerait à s’appuyer sur des actions de sciences participatives comme le dispositif Citique, mis en place dans le cadre du plan de lutte contre les maladies vectorielles à tiques, qui pourrait être étendu aux tiques Hyalomma.
Développer la recherche sur Hyalomma et le virus de la FHCC
L’Agence souligne également la nécessité de lancer des programmes de recherches pour mieux comprendre les facteurs influençant l’épidémiologie et la dynamique spatio-temporelle des tiques Hyalomma et du virus de la FHCC. De nouvelles connaissances sont également nécessaires pour développer de nouvelles molécules antivirales contre ce virus et développer un vaccin.
Comment prévenir les piqûres de tiques ?
Qu'il s'agisse de tiques Hyalomma ou Ixodes ricinus, vectrice de la maladie de Lyme, il est possible de prévenir les piqûres de tiques et les maladies qu’elles transmettent par les mesures suivantes :
lors des promenades dans la nature, porter des chaussures fermées et des vêtements couvrants de couleur claire afin de mieux repérer les tiques sur la surface du tissu,
- éviter de marcher au milieu des herbes hautes, des buissons et des branches basses et privilégier les chemins balisés,
- utiliser éventuellement des répulsifs cutanés avec autorisation de mise sur le marché (AMM), en respectant bien les préconisations d’usage,
- s’inspecter au retour de vos promenades en forêt, dans le maquis et la garrigue ou dans le jardin notamment au niveau des plis de la peau sans oublier le cuir chevelu,
- en cas de piqûre, détacher immédiatement les tiques fixées à l’aide d’un tire-tique, une pince fine ou à défaut vos ongles et désinfecter la plaie,
- surveiller la zone de piqûre pendant plusieurs jours et consulter votre médecin en cas de symptômes (rougeur, fièvre…).