Nanomatériaux : l’Anses appelle à adopter une définition plus protectrice
Pour l’Anses, la nouvelle recommandation de définition des nanomatériaux de la Commission européenne publiée le 10 juin 2022 est trop restrictive. Elle pourrait conduire à une régression en matière de protection des populations et de l’environnement. L’Agence appelle les autorités françaises à prendre en compte une définition plus englobante et à œuvrer pour son intégration dans la révision des règlements sectoriels au niveau européen. Dans cette optique, l’Agence liste l’ensemble des critères nécessaires pour définir les objets de taille nanométrique dont les effets éventuels sur la santé mériteraient d’être évalués.
Une nouvelle définition de la Commission européenne qui exclut trop d’objets nanométriques
Dans sa nouvelle définition des nanomatériaux, les modifications actées par la Commission européenne tendent à restreindre le nombre et la nature des objets qui seront considérés in fine comme tels. Appliquée en l’état, cette définition conduira par exemple à faire l’impasse sur des objets nanométriques suscitant beaucoup d’intérêts et de développements en ce moment : les nanovecteurs de type micellaire (vésicules, liposomes, particules lipidiques, etc.), conçus pour transporter des substances d’intérêt en médecine, nutrition ou en agriculture.
Alors même que l’objectif de cette nouvelle définition était de clarifier ce que sont les nanomatériaux, elle ajoute finalement de la confusion avec des nouveaux concepts qui ouvrent la voie à des différences d’interprétation.
« Certaines modifications proposées par la Commission reposent sur l'utilisation de termes qui ne font pas consensus, par exemple « l’état solide » ou encore le caractère « identifiable » d’un nano-objet. Par ailleurs, il y a des concepts inhérents au sujet, comme celui de particule « constitutive », qui nécessitent impérativement des éclaircissements ».
L’Agence souligne que cette nouvelle recommandation de définition s’avère moins englobante et flexible que la précédente. Elle représenterait ainsi une régression en matière de prévention des risques sanitaires et environnementaux liés aux nanomatériaux.
Faire avancer les connaissances scientifiques sur les dangers potentiels des nanomatériaux
L’Anses recommande de donner une définition la plus large possible des nanomatériaux en s’appuyant uniquement sur des critères dimensionnels. Elle préconise également de les définir de façon homogène, quel que soit le secteur dans lequel ils sont utilisés. Ce n’est qu’au regard de l’évaluation des dangers qu’ils représentent que la définition et la réglementation pourront être affinées. Les réglementations sectorielles - cosmétiques, biocides, aliments, etc. - pourront alors préciser, parmi ces nanomatériaux, ceux devant faire l’objet de mesures particulières : étiquetage de produits, évaluation spécifique, autorisation préalable à la mise sur le marché, etc.
« Cette définition doit prioritairement permettre de dire si un objet correspond à un nanomatériau ou non, indépendamment de son secteur d’application ou de considérations liées aux méthodes et instruments de mesure. Les connaissances en matière de dangers et de risques devraient précéder l’adaptation des règlementations, et non l’inverse » souligne Anthony Cadene.
Considérer dès maintenant une définition élargie pour anticiper les risques
Au niveau national, l’Anses appelle donc à s’appuyer dès à présent sur une définition plus large des nanomatériaux que celle recommandée par la Commission européenne, pour considérer les nanomatériaux de façon plus exhaustive et de ne pas passer à côté de ceux qui s’avèreraient préoccupants pour la santé.
Pour les scientifiques, qui l’attendent depuis 10 ans, cette nouvelle définition constitue une étape déterminante car elle va orienter la production des nouvelles connaissances scientifiques qui permettront d’évaluer les risques des nanomatériaux pour la santé et l’environnement.
Dans cet objectif, l’Agence a construit un guide détaillant les différents paramètres d’une telle définition, en pointant ceux qui devraient faire l’objet d’arbitrages par les pouvoirs publics car dépassant le champ strictement scientifique.
En pratique, l’Anses invite les pouvoirs publics à saisir l’opportunité de la révision des règlements européens relatifs aux substances chimiques (REACH et CLP) et aux cosmétiques pour proposer une définition élargie. Ils pourront faire de même dès l’ouverture de la révision d’autres règlementations sectorielles.